La passion selon Juette, Le nom de la rose - Praline

Publié le par Le club des théières

Pour répondre au thème du dernier club des théières, j'avais pas mal de choix. En effet, le roman historique est un genre que mon papa apprécie beaucoup... Il ne fait donc aucune difficulté pour me prêter ses dernières trouvailles. Cependant, j'ai pioché dans ma PAL et déniché, non pas un mais, deux romans. Comme Emeraude, j'ai lu La passion selon Juette :
Clara Dupont-Monod raconte la vie d'une jeune fille, Juette, qui laisse parler son coeur et ses aspirations, ses sentiments et ses questionnements. Son adolescence, son mariage, son veuvage en font trois femmes très différentes, pleine d'espoir, remplie de colère, comblée de joie, toujours pures mais troubles parce que libres. Cela n'aurait rien de grave si nous n'étions au XIIe siècle, période médiévale troublée par l'hérésie cathare, les excès de l'Eglise et la violence des hommes.
Juette est seule. Elle pense. Parfois elle parle à son ami, un jeune moine, Hugues. Leurs voix s'entrecroisent.
Juette est dérangeante, elle ne veut pas grandir, elle aime les histoires et les chevaliers, elle ne comprend pas l'attrait des hommes pour les femmes. Cette incompréhension devient hantise et haine avec le mariage et les grossesses. Elle se met alors volontairement à l'écart de la société après avoir vainement tenté de s'y fondre. Elle prend en main une léproserie, attire des jeunes femmes et finalement est en proie à d'éprouvantes extases (très bien vu au XVIIe mais un peu moins avant, qu'on se le dise !). Sans être révolutionnaire, ce livre se lit bien, le style est concis, limpide comme l'héroïne.

Et puis, j'ai -enfin- dévoré Le nom de la rose :
Quand, adolescente, j'ai voulu lire ce livre d'Umberto Eco, j'ai fait une erreur et emprunté le Roman de la rose en bibliothèque. Déçue au début puis séduite par ce vieil ouvrage, je l'ai acheté récemment afin de le relire. Quant au nom de la rose, il traînait dans ma pal depuis quelques années mais jamais je n'avais pris le temps de l'ouvrir. C'est donc pour répondre au
challenge le nom de la rose et au choix d'une lecture historique pour le club des théières que j'ai dépoussiéré cette œuvre.
Au XIVe siècle, temps de crise pour l'Église, temps difficiles pour les hommes, une abbaye bénédictine résonne de crimes étranges : Adelme d'Otrante a été retrouvé mort. C'est l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville, désigné par l'abbé, qui cherche le coupable, accompagné du jeune Adso, simple novice et narrateur de l'histoire (sans parler des précautions d'Eco qui multiplie les intermédiaires entre l'auteur, le traducteur, le copiste et le narrateur du manuscrit "original"). Guillaume est un moine franciscain, acquis aux idées de Bacon, présent dans l'abbaye pour une rencontre entre les partisans des ordres mendiants guidés par Michel de Cézène et la délégation papale comprenant le redoutable Bernard Gui. En réalité, lutte d'influence entre le pape Jean XXII et l'empereur germanique Louis IV. Voilà le fond historique, en gros. En réalité, Eco se réfère en permanence à des événements contemporains, des personnages réels, des opinions, des hérésies et des débats théologiques du moment. C'est une oeuvre érudite et très documentée (latinistes, vous trouverez de quoi vous mettre sous la dent, jubilate et gaudete !). Pour tout dire, la théologie est un peu absconse parfois.
Introduits par des petites phrases annonciatrices comme je les aime, 7 jours d'enquête, de rencontres avec les moines, d'échanges et de morts violentes, rythmés par les services religieux. L'abbaye même est-elle vraiment protégée du péché et de l'hérésie ? rien n'est moins sûr lorsqu'on sait les meurtres qu'elle dissimule... et ses moines restent des hommes, soumis aux tentations et aux péchés tels que l'orgueil, la luxure ou l'envie. Les peurs millénaristes ne sont pas loin et l'abbaye semble être le lieu où s'accomplissent les prédictions de l'apocalypse.
Le point culminant de l'abbaye, lieu gardé secret et interdit aux non-initiés ? la bibliothèque, bien sûr ! Lieu du savoir, orgueil des moines, elle scelle un fond incroyable de livres venus de tout le monde connu, recopiés par les moines dans le scriptorium et consultés sous sévère surveillance. La bibliothèque est le lieu clef de cet endroit : un secret semble y être caché. Nul n'a le droit d'y pénétrer excepté le bibliothécaire, Malachie. Guillaume est donc d'autant plus tenté de la visiter qu'elle est le seul endroit interdit par l'abbé. La bibliothèque est presque un personnage, un monstre vivant, terrifiant et charmeur, labyrinthique, presque une légende. C'est un lieu composé comme un microcosme. On s'y perd beaucoup, on y apprend énormément. Y découvrira-t-on le fin mot de l'histoire et la raison de ces crimes sanglants ? A vous de voir...
Ce livre est dense et prenant (difficile à résumer ai-je trouvé). C'est à la fois un roman historique qui traduit efficacement et intelligemment les hésitations du XIVe siècle, entre retour à la pureté et à la pauvreté, inquisition et obscurantisme, quête de nouvelles voies, curiosité et soif de compréhension. C'est aussi une quête philosophique et religieuse pour Adso. Voilà un roman qui donne envie de lire Borges (qui inspira le dessein de la bibliothèque) et d'en apprendre un peu plus sur ce siècle.

Finalement, deux livres très différents, le premier centré sur une seule jeune femme comme symbole d'un pré-féminisme, le second plus érudit, tentant de donner une image plus globale des grands courants de pensée du XIVe.Le premier assez décevant, le second très conséquent et intelligent. Mais malgré tout, deux romans qui touchent à la période médiévale que j'apprécie beaucoup !

Publié dans Roman historique

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