René Barjavel, La nuit des temps - Caroline
Dans l'Antarctique, une équipe de chercheurs découvre, enfouis sous la glace, les restes d'une civilisation éteinte depuis 900 000 ans. Dans une sphère reposent en hibernation deux individus masqués, un homme et une femme. Réanimée en premier, la femme, Eléa, est d’une beauté exceptionnelle, et Simon, un médecin français membre de l’expédition, tombe fou amoureux d’elle. Mais le cœur d’Eléa appartient à Païkan, resté 900 000 ans en arrière à Gondawa, leur civilisation éradiquée de la surface de la terre par un conflit meurtrier…
La nuit des temps, que j’ai choisi pour la première rencontre du Club des Théières, est un roman hybride dans la mesure où il mêle habilement science-fiction, réflexion philosophique et romance passionnée. Le tour de force de René Barjavel est de raconter une histoire fantastique sous l’angle du reportage scientifique (la précision des détails techniques confère une grande crédibilité au récit), tout en soignant la psychologie de ses personnages.
Le récit alterne entre les évènements présents (l’expédition polaire et la découverte de la civilisation disparue) et passés (la vie dans ladite civilisation puis sa destruction). C’est l’occasion pour Barjavel de dépeindre une société idéale et technologiquement très avancée, Gondawa, dans laquelle les hommes vivent dans le bonheur et l'abondance. Mais Gondawa est en guerre contre Enisoraï, situé à l'emplacement actuel de l’Amérique. L'utilisation de "l'Arme Solaire" par Gondawa signe sa fin : le continent est englouti, et seuls en réchappent le scientifique Coban et Eléa, protégés par leur abri souterrain. La destruction d’une civilisation aussi avancée que Gondawa permet à Barjavel de dénoncer la folie des hommes, assoiffés de pouvoir et toujours à deux doigts de s’autodétruire. Les parallèles avec le présent (le livre a été écrit en 1968) sont nombreux (guerre froide opposant l’Est à l’Ouest, arme nucléaire, manifestations pacifiques), montrant par là que l’histoire se répète sans fin, et que l’espèce humaine ne tire pas de leçons de ses erreurs passées.
Mais le pilier de l’intrigue est l’histoire d’amour passionnée qui unit Eléa et Païkan, sorte de Roméo et Juliette que même la mort ne peut séparer à la sauce SF. Histoire qui trouve une issue tragique qui ne manquera pas de bouleverser les âmes sensibles.
Malgré des thèmes riches et un mélange des genres bien ficelé, je n’ai pas ressenti d’enthousiasme délirant à la lecture de ce pilier de la SF française. Peut-être parce que c’est un genre que j’apprécie peu, ou parce que je n’ai pas éprouvé de réelle sympathie pour les personnages (Simon en particulier manque de charisme, et la beauté époustouflante d’Eléa la rend presque inhumaine). J’ai bien aimé, sans plus. Pour découvrir cet auteur, je conseillerais plutôt de commencer par l’excellent Ravage.